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Marie-Paule Nolin

Née à Saint-Hyacinthe, 1908 - Décédée à Montréal, 1987

Création

1933 - 1973

Photographe inconnu, Atelier, Salon Marie-Paule Nolin, 420 rue Bonsecours, Montréal (détail), vers 1965. Fonds Marie-Paule Nolin, C726, Musée McCord

Après avoir géré une petite entreprise de confection, Marie-Paule Archambault ouvre à Montréal, en 1936, son propre salon qu’elle appelle « Marie-Paule Haute Couture ». Elle avait auparavant travaillé comme vendeuse pour le couturier montréalais Raoul-Jean Fouré. Marie-Paule ne possède aucune formation officielle en création de mode.

Née d’une famille bien en vue d’Outremont, elle connaît les autres couturiers qui travaillent alors à Montréal, comme Lucien Lacouture, Ida Desmarais et Gaby Bernier. Marie-Paule est aussi une lectrice assidue de magazines de mode et suit de très près les nouvelles tendances lancées par les couturiers français. L’idée lui vient alors d’ouvrir sa propre maison de couture.

Pour se préparer à l’ouverture de son salon, elle visite de nombreuses maisons de couture en France, ce dont elle fera plus tard une habitude.

Mais avant de passer à l’action, elle a le flair d’engager l’ancienne première de Lacouture, Hernance Ferland. En plus de guider la jeune créatrice à travers les dédales de son nouvel univers, Hernance réussit à attirer de nombreux clients du couturier récemment décédé, incluant des membres de la prestigieuse famille Bronfman.

Le tout nouveau salon de la créatrice est situé dans un appartement du centre-ville de Montréal, au 648, rue Sherbrooke, près de la rue University. Avec son mobilier raffiné, il rappelle les petites maisons de couture parisiennes. Marie-Paule peut alors compter sur les services de trois couturières, dont Hernance Ferland. Dès les tout débuts, elle n’emploie que des tissus haut de gamme, comme les soieries de Bianchini-Férier et les lainages de Rodier. Mais même à cette étape naissante et modeste de sa carrière, elle fait face à ce qui deviendra pour elle un problème chronique, celui de l’argent : elle a tendance à être généreuse et son sens des affaires est limité.

En 1938, elle épouse Jean Nolin avec lequel elle aura deux filles, Patricia et Marie-Claire.

En 1941, après avoir tenu sa propre maison de couture pendant cinq ans, elle décide de travailler à forfait comme créatrice pour Holt Renfrew and Co. Ltd. Chez Holt Renfrew, son rayon s’appelle le Salon Marie-Paule et comprend un salon de réception, des salles d’essayage, un grand atelier et un bureau : ici, son personnel atteindra le nombre sans précédent de 20 employés.

À cette époque, elle est considérée comme la « grande dame de la haute couture montréalaise ».

Plus tard durant cette période, le Salon réalisera également des copies d’après des modèles parisiens originaux de haute couture acquis par Holt Renfrew.

Toujours à la recherche de nouveaux horizons, Marie-Paule quitte le prestigieux Holt Renfrew en 1949 pour s’établir de nouveau à son compte, d’abord à son propre domicile sur l’avenue Elm à Westmount. Maintenant très prolifique, la créatrice a une importante clientèle et elle est très en vue sur la scène de la mode montréalaise. Pour tenter d’établir solidement sa réputation comme l’un des plus grands couturiers de Montréal, elle fait peu après l’acquisition d’une imposante résidence située à proximité de chez elle, au 486 de l’avenue Wood, afin d’y présenter ses collections : au moins un de ses défilés a lieu dans cet intérieur luxueux meublé d’antiquités et décoré de tapisseries européennes. Mais le faste de l’avenue Wood sera de courte durée car à peine un an plus tard, Marie-Paule est forcée de vendre la résidence puisqu’il est interdit de tenir commerce dans un secteur résidentiel.

Déterminée à ne pas abandonner l’idée d’un salon, la créatrice en ouvre un autre en 1954 au 1426, rue Sherbrooke Ouest, et les clientes continuent d’affluer dans cet espace décoré avec goût. Mais les habituels problèmes financiers refont surface et, trois ans plus tard, elle ferme son salon pour retourner une fois de plus dans sa maison de l’avenue Elm. Lorsqu’elle était sur la rue Sherbrooke, Marie-Paule est devenue présidente de l’Association des couturiers canadiens, succédant ainsi à la présidence de son fondateur, le couturier d’origine française Raoul-Jean Fouré. Si la majorité des clientes de Fouré étaient francophones, un grand nombre d’anglophones composent la clientèle de Marie-Paule.

Robe, Marie-Paule, 1954. Don de Marie-Paule Nolin, M983.28.2 © Musée McCord

C’est durant cette seconde période sur l’avenue Elm que Marie-Paule essuiera le plus grand revers de sa carrière : en décembre 1962, un incendie détruit presque entièrement sa maison et ses créations.

Refusant de se laisser abattre, Marie-Paule a l’idée originale d’ouvrir, l’année suivante, un élégant salon au 420, rue Bonsecours, dans le Vieux-Montréal, un secteur qui commence à être restauré. Elle y tient deux salles où des défilés de mode sont présentés, ainsi qu’un atelier dont le nombre d’employés variera pour atteindre un maximum de 16. Meublé d’antiquités et décoré d’objets d’art, l’intérieur rappelle quelque peu la résidence de l’avenue Wood. Le salon demeurera en activité pendant dix ans, remportant d’abord un énorme succès, pour finalement fermer ses portes en raison d’insurmontables problèmes financiers. Mais Marie-Paule aura tout fait pour éviter la fermeture, allant jusqu’à doter l’espace d’un salon de thé, qui fera long feu, et organisant même des événements spéciaux comme des concerts, des conférences et des réunions. Elle crée des costumes pour le Montreal International Theatre à La Poudrière sur l’île Sainte-Hélène, et même une collection de prêt-à-porter en 1969, projet qui se révèle un véritable désastre puisque Marie-Paule ne peut se résigner à utiliser des tissus de qualité inférieure afin d’assurer la rentabilité de la collection. Lorsqu’elle mettra la clé dans la porte en 1973, ce sera la fin d’une époque.

Photographe inconnu, Atelier, Salon Marie-Paule Nolin, 420 rue Bonsecours, Montréal (détail), vers 1965. Fonds Marie-Paule Nolin C726, Musée McCord

Marie-Paule n’avait pas fait d’études officielles en création de mode. Elle savait coudre mais n’avait pas la formation ni l’expérience particulière des couturières travaillant dans les ateliers. Elle était incapable de dessiner des patrons ni de faire du moulage.

Sa méthode de travail consistait d’abord à discuter du vêtement avec sa cliente afin de déterminer pour quelle occasion celui-ci serait porté, pour ensuite choisir le modèle, la couleur et le tissu lui convenant le mieux.

Un rouleau de tissu était souvent placé devant la cliente pour voir si l’effet créé était particulièrement flatteur et pour essayer différents concepts en drapant le tissu sur la cliente. Il est possible que des croquis de travail réalisés par Marie-Paule, et parfois par sa sœur, Jacqueline Archambault, aient été utilisés à cette étape. Lorsque la cliente et Marie-Paule avaient arrêté leur choix sur un modèle acceptable, les mesures étaient alors prises, habituellement par la première. On discutait ensuite du modèle avec la première qui, aidée d’une équipe de couturières et après environ trois essayages, transformait soigneusement les idées de Marie-Paule en une création unique. De toute évidence, la première se devait d’être une excellente coupeuse. Florence Allard, première chez Holt Renfrew et plus tard au 1426, rue Sherbrooke et sur l’avenue Elm, se disait « l’autre demie de Marie-Paule ».

Ce sont peut-être les tissus qu’elle utilise qui caractérisent le mieux l’essence de son travail.

Manteau, Marie-Paule, 1964-1965. Don de Mme Pierre Desmarais, M984.173.1 © Musée McCord

Ses créations se distinguent généralement par une élégance sobre. Les tissus sont de la meilleure qualité, mais ils sont rarement surchargés. Elle peut conseiller ses clientes sur le type et la couleur des accessoires pouvant accompagner un modèle particulier, et même sur la façon de porter un vêtement! La préoccupation de Marie-Paule pour l’élégance est légendaire. Dans les années 1960, elle anime pendant six ans l’émission Fémina, à la radio de Radio-Canada, où l’on parle du style de vie des femmes et de l’importance de se vêtir avec élégance et bon goût. Par ailleurs, en 1972, Marie-Paule présente un audacieux défilé de mode intitulé A Tour of Elegance qui fera le tour du Canada.

Dans les années 1950 et 1960, Marie-Paule exerce une influence considérable sur la tenue vestimentaire des Montréalaises.

D’une qualité exceptionnelle et empreintes de style et d’élégance, ses créations sont facilement reconnaissables de loin. Leur intemporalité permet à leurs propriétaires de les porter pendant longtemps si tel est leur désir.

Une large part du succès de Marie-Paule était sans doute attribuable à son sens inné de l’élégance, à son charme et à son physique agréable, sans oublier la qualité de ses créations et le décor somptueux de ses salons. Beaucoup de ses clientes désiraient probablement lui ressembler.

Ses nombreux défilés de mode, dont certains étaient organisés au profit d’organismes de charité comme La Ligue de la jeunesse féminine et l’Hôpital Marie-Enfant, lui ont donné une visibilité.

De plus, son association avec des mannequins célèbres comme Élaine Bédard, Jacqueline Gilbert et Sylvia Goltman, dont on voyait la photo dans des magazines et des articles de journaux de l’époque, assurait la qualité de ses défilés.

Photographe inconnu, Tailleur « Calèche » par Marie Paule, vers 1955. Mannequin Jacqueline Gilbert. Fonds Marie-Paule Nolin C726, Musée McCord

Marie-Paule s’inspirait largement des grandes tendances de la mode française, mais elle considérait ses créations comme un reflet très net de sa vision personnelle, modulée par l’apparence et les désirs de ses clientes. Elle souhaitait ardemment que les Canadiennes, et particulièrement les Québécoises, suivent son exemple sur le plan vestimentaire, d’où son émission de radio, Fémina, et son ambitieux défilé qui a fait le tour du Canada, A Tour of Elegance. Il est vrai qu’elle avait des clientes partout au Canada – non seulement à Montréal, mais aussi à Québec et à Toronto, et même aussi loin qu’à Vancouver. Une cinquantaine de ses ensembles sont conservés au Musée McCord.

Sources

Beaudoin-Ross, Jacqueline. « Marie-Paule Haute Couture », Dress : The Annual Journal of the Costume Society of America, 1991, no 18, p. 14-25.

Date de publication

01/10/2004

Rédaction

Jacqueline Beaudoin-Ross, Dicomode

Dernière révision le
01/02/2019 Suggérer une modification

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