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Jane Harris

Née à Angleterre, 1908 - Décédée aux États-Unis, 2000

CréationVente au détail

1940 - 1961

Photographe inconnu, Mannequins portant des ensembles Jane Harris-Putnam, Montréal, vers la fin des années 1950. Don de Jane Harris-Putnam, MP-1987.15.5013 © Musée McCord

À Londres, vers la fin de la vingtaine, Jane Van Gelder est apprentie chez un couturier français. Pendant une année, elle y apprend les techniques du drapé, de la coupe et de la couture. Elle travaille ensuite pendant une autre année dans un salon, où elle se familiarise cette fois avec les aspects commerciaux et financiers de la haute couture. Évacuée d’Angleterre lors de la Deuxième Guerre mondiale, elle arrive au Canada en 1940 sans ressources matérielles et parvient à se faire une place aux côtés des couturiers montréalais reconnus. Son salon, établi sur la rue Sherbrooke, à proximité de l’hôtel Ritz-Carlton, sera non seulement un endroit à la mode mais aussi un lieu de rencontre pour les expatriés et les réfugiés de guerre, parmi lesquels plusieurs artistes et musiciens qui feront une brillante carrière au Canada.

Peu après son arrivée à Montréal, elle est engagée par le grand magasin Morgan pour fournir en uniformes les femmes qui entraient dans les forces armées. Après six mois, elle quitte Morgan pour mettre sur pied sa propre entreprise, Jane Harris Limited, en 1941.

La nouvelle venue parmi les couturiers bien établis de Montréal table sur ses contacts en Europe, en particulier en Angleterre, et recrute sa clientèle surtout dans la communauté anglophone de Montréal, celle-ci adoptant avec enthousiasme une approche de la mode qu’elle associe à une certaine aristocratie britannique.

La créatrice se voit également comme une femme d’affaires. Elle présente ses collections, composées de ses propres créations et d’importations, lors de défilés hauts en couleur et souvent dans des lieux inusités. Avec Gaby Bernier et d’autres créateurs montréalais, Jane Harris crée des costumes pour le film québécois Le Père Chopin, lancé en 1945.

Invitée à faire partie du Montreal Refugee Committee, Jane Harris en est le plus jeune membre. Parmi les relations qu’elle entretient dans ce réseau, certaines personnes feront partie de sa clientèle et d’autres seront appelées à la seconder dans son entreprise. Le père de la jeune femme, marchand de laine à Londres, lui fait parvenir des articles de mode pour la campagne Dollars for Britain, où des produits de qualité, non distribués en Angleterre, étaient vendus à l’étranger en vue de recueillir les fonds nécessaires à l’effort de guerre. En 1950, la participation de Jane Harris à cette campagne sera reconnue et elle sera honorée lors d’une réception offerte par le ministère du Commerce britannique à la Lancaster House de Londres.

Après la guerre, le contexte économique et social à Montréal est favorable à son entreprise. Le bal de Saint Andrew, un point culminant parmi les activités sociales de la communauté anglophone montréalaise, avait été suspendu pendant la guerre. De retour en 1945 avec plus de splendeur que jamais, et renommé bal de la Victoire, il attire 2 000 convives et 183 debutantes y sont présentées aux invités d’honneur.

Jane Harris décline pour sa clientèle la jupe ample, la taille cintrée et le décolleté.

Elle acquiert les droits exclusifs d’importation des produits Pierre Balmain pour cinq ans et ceux des produits Nina Ricci pour deux ans. Sa boutique devient réputée pour son prêt-à-porter européen, les vêtements sport et les coordonnés italiens, de même que les créations du couturier italien Emilio Pucci.

D’abord établi au 1324, rue Sherbrooke Ouest, le salon Jane Harris déménage en 1955 au numéro 1200 de la même rue, toujours dans les environs immédiats du Ritz-Carlton. Le salon comprend alors une boutique Pierre Balmain et la plupart des autres importations proviennent d’Angleterre. De Londres, on y trouve une collection de vêtements à moins de 100 dollars signés Susan Small. Campant ses défilés dans des décors extérieurs, Jane Harris présente souvent ses vêtements sur le thème du voyage, associant à ses créations l’avion, le bateau, le train et l’automobile. En 1958, elle inaugure les tournées de mode européenne d’Air France avec une collection de créations provenant d’Angleterre, de France, d’Autriche et de Suisse. Michelle Tisseyre, animatrice déjà réputée à l’époque, commente l’événement sur les ondes de la radio francophone. Les défilés de Jane Harris retiennent l’attention des médias; des articles leur sont consacrés notamment dans le magazine montréalais Star Weekly et dans le magazine canadien Maclean’s.

Lorsque Jane Harris se rend à Londres en 1960, elle voit dans le travail de Mary Quant, dans les couleurs vives et le vent de liberté qui souffle sur la mode, une direction qui n’est pas la sienne. En 1961, elle ferme son salon et retourne en Angleterre. Elle reviendra vivre au Canada, séjournant tout de même pendant une partie de chaque année en Angleterre, où elle dirigera une dernière présentation de mode en juin 1968, à l’occasion des célébrations entourant le centenaire de la Royal Commonwealth Society à Londres.

En 1991, Jane Harris-Putnam fait don de ses archives au Musée McCord d’histoire canadienne. En 1997, l’école de service social de l’Université McGill nomme une bourse d’études supérieures en son honneur, pour souligner l’importance de son engagement envers les expatriés et les réfugiés de guerre. C’est ainsi qu’est mise en lumière la valeur des réalisations de cette femme énergique et dévouée dans deux sphères d’activité fort différentes qui ont marqué sa vie.

Sources

Sharman, Lydia. « Fashion and Refuge: The Jane Harris Salon, Montreal, 1941-1961 », dans Fashion: A Canadian Perspective, édité par Alexandra Palmer, Toronto, University of Toronto Press, 2004, p. 270-287.

Date de publication

01/10/2004

Rédaction

Lydia Sharman, Dicomode

Dernière révision le
01/02/2019 Suggérer une modification

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