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Jacques Auray

Né en Bretagne, France, 1935 / Décédé à Montreal, 2018

Création

1963 - 2006

Robe (détail), Jacques Auray, 1968. Don de Grace C. Notman, M992.118.2 © Musée McCord

Jacques Auray n’avait qu’une seule valise avec lui lorsqu’il a atterri à Montréal en 1963, où il a décidé de s’établir. On lui avait recommandé ce détour alors qu’il était en route pour New York dans le cadre d’une tournée nord-américaine, mais le jeune Français a coupé court à son voyage. En fait, il n’est même jamais allé à New York cette année-là, pas plus qu’il n’est retourné chez lui en Bretagne pour entreprendre la carrière d’avocat comme le prévoyait sa famille. Il s’est plutôt lancé dans une carrière en mode, et plus tard en décoration intérieure, malgré son absence de formation formelle.

C’est Marie-Paule Nolin qui offre à Auray son premier emploi lorsqu’elle lui propose le poste de « directeur de mode » pour la seconder à la boutique qu’elle possède sur la rue Bonsecours, située dans une ancienne usine. À peine six mois plus tard, il démissionne de son poste pour ouvrir sa propre entreprise de couture avec la bénédiction de Nolin, bien que – semble-t-il – il ne sache pas encore coudre. C’est de chez lui, un appartement situé sur la rue Sherbrooke dans le Golden Square Mile, qu’il exploite un petit atelier avec salon. Il y présente des collections de 20 à 25 vêtements à un groupe sélect de clientes et de journalistes. L’espace multifonctionnel est décoré de manière flamboyante : des meubles rouges, des murs tapissés d’œuvres d’art et un perroquet dans une cage.

Les relations personnelles avec ses clientes sont au cœur de l’entreprise florissante d’Auray, définissant autant l’espace (agrémenté au fil du temps d’œuvres de ses clientes et de précieux souvenirs d’amitié) que son approche en matière de ventes.

Au sujet des visites au domicile du couturier pour les essayages et la présentation des collections, une cliente mentionne que l’atmosphère « rappelle davantage une invitation à prendre le thé qu’une séance de magasinage ».

Auray cherche toujours à apporter une touche personnelle, autant dans ses créations sur mesure que dans l’expérience d’achat de ses clientes. Deux fois par année, il se rend en France pour acheter du tissu, s’assurant ainsi de toujours renouveler sa marchandise, et de ne jamais vendre la même pièce deux fois. Ses clientes, surtout des femmes plus âgées issues de milieux aisés, deviennent souvent des amies, et apprécient son accueil chaleureux et le fait de pouvoir acheter des pièces de qualité couture à meilleur prix qu’à Paris (en général 250 $–275 $ pour des robes de jour, 400 $–500 $ pour des manteaux et des tailleurs et 300 $ et plus pour des robes du soir dans les années 1970).

 

On décrit le style d’Auray comme étant classique, élégant, sobre et féminin.

Inspiré par les couturiers européens du milieu du 20e siècle (il a même appelé ses chiens Dior et Pucci), il demeure fidèle à leurs silhouettes épurées, s’éloignant des tendances plus jeunes des années 1960 et 1970. Il est cependant reconnu pour marier les couleurs et les tissus de manière surprenante, comme dans une collection de 1967 comprenant une robe tube de soirée en tweed garnie de plumes d’autruche, une robe de chambre en tissu écossais à doublure jaune et des gilets en velours et lamé.

En plus de présenter ses collections au salon qu’il a aménagé chez lui, Auray participe au fil des ans à de nombreux événements publics de plus grande envergure, dont le défilé de mode organisé par l’Association des couturiers canadiens à Expo 67 en juin 1967, ainsi qu’une présentation spéciale à l’ambassade de la France à Washington l’année suivante.

Lors de cet événement, il présente des jupes de jour plissées dont les ourlets sont décrits comme « variables – ni mini ni midi », ainsi qu’un ensemble somptueux en lime, beige et rose, et un autre en mohair beige avec plumes d’autruche. Toujours en 1968, Auray crée une robe blanche à motif floral en relief dans le nouveau tissu Qiana de Du Pont. Il présente la robe à trois occasions, lors de défilés organisés pour promouvoir la polyvalence du tissu.

Au début des années 1970, Auray installe son salon de couture dans un nouvel appartement sur le chemin de la Côte-des-Neiges, qu’il décore dans son style signature éclectique et chaleureux. Si son salon lui sert de bureau, son personnel composé de deux tailleurs et de quatre couturières travaille dans une pièce située à l’arrière de l’appartement. En 1972, il accepte de créer les uniformes du personnel du Chemin de fer Canadien Pacifique. Les modèles comprennent des jupes de différentes longueurs assorties à un chemisier à large col porté au choix sous une veste ou un haut à manches courtes orné de boutons décoratifs, ainsi qu’une robe-manteau à ceinture.

Au cours des années qui suivent, Auray délaisse petit à petit son travail de couturier et quitte Montréal pour Londres en 1977. Il revient cependant à Montréal en 1982 pour lancer une nouvelle collection de 30 ensembles. Durant les 20 prochaines années, il continue à participer de diverses façons à la scène culturelle de la ville, que ce soit en concevant les costumes d’une production théâtrale ou des robes de grandes occasions pour sa clientèle privée, ou encore en décorant des espaces afin de recueillir des fonds pour des œuvres de bienfaisance ou des organismes culturels, comme l’Orchestre symphonique de Montréal.

Travaillant en collaboration avec son partenaire, Yves Lefebvre, il concentre ses activités sur la décoration intérieure, notamment pour des collectes de fonds (pour des causes comme la recherche sur la fibrose kystique, le Centre Sida McGill et les grandes institutions culturelles de la ville).

En 2013, il décrit son approche et ses intérêts en matière de décoration intérieure en faisant un parallèle avec son travail dans le monde de la mode : « J’aime utiliser différents motifs et différentes textures, j’aimer utiliser la soie avec le lin, mélanger le tweed et le brocart. Rien ne va ensemble, mais tout est harmonieux. »

Auray est décédé en 2018 à l’âge de 83 ans.

Sources

McDermot, Anne. « Designer to Open Salon in Montreal Market Area.” The Globe and Mail, March 28, 1963.

Rider, Wini. « A Well-Dressed Home- on a Shoestring, » The Gazette, May 1, 1971.

Rider, Wini. « Designer Boosts Canada, » The Gazette, December 16, 1967.

Rider, Wini. « Parisian Elegance Inspires Fifth Auray Collection. » The Gazette, March 6, 1969.

Rochon, Jules. Portraits Du Dessinateur De Mode Jacques Auray Et Présentation Des Nouveaux Costumes De Canadian Pacific Railway. Montreal: Fonds Ministère des Communications.

Shelton, Patricia. « Montreal’s Jacques Auray: Couturier Torn between Two Worlds. » The Sun, August 3, 1972.

Stephens, Anna. « Designer Sets His Own Rules. » The Gazette, October 13, 1967.

Date de publication

01/02/2019

Rédaction

Laura Snelgrove, Collaboratrice

© Musée McCord Stewart 2024